Mafia: The Old Country – La Mafia au galop
Le pari du passé
Mafia: The Old Country ose ce que peu de studios osent encore. Plutôt que d’ajouter une couche de poudre aux yeux sur un open world étiré à l’infini, Hangar 13 resserre son propos et retourne à l’origine même de la légende criminelle. Le jeu nous transporte en Sicile au début du XXe siècle, une époque où la modernité se devine à l’horizon mais n’a pas encore écrasé les traditions. Ici, les voitures sont rares, bruyantes et capricieuses. Le cheval reste le roi des routes, et ce choix n’est pas une simple coquetterie esthétique. C’est la colonne vertébrale de la jouabilité. Monter à cheval ne se réduit pas à remplacer une voiture par une monture animée. La bête vit, respire, s’essouffle et s’emballe. Le joueur doit composer avec la nervosité de l’animal, ses réactions aux coups de feu ou aux ruelles étroites. Les contrôles n’atteignent jamais la fluidité d’un moteur bien huilé, mais c’est précisément cette résistance qui fait sens. Là où l’automobile isole, le cheval expose. Chaque trajet devient une négociation avec une créature imprévisible, et ce frottement crée une tension dramatique qui irrigue tout le jeu.
L’art du récit contenu
On parle souvent de liberté, d’open world, de centaines d’heures de contenu comme si l’accumulation faisait la valeur. Mafia: The Old Country fait le choix inverse. Le jeu refuse l’illusion de l’infini et préfère la densité du tangible. C’est une campagne linéaire, taillée comme un fusil à canon scié: courte, brutale, précise. Cette linéarité n’est pas un défaut, c’est une déclaration d’intention. Elle permet un rythme chirurgical, sans détour inutile, où chaque mission a un poids narratif. Dans une industrie obsédée par la rétention de joueur, ce retour au modèle traditionnel est un geste presque radical. Là où d’autres productions ressemblent à des buffets trop garnis, Mafia: The Old Country se savoure comme un plat unique, préparé avec soin. Pour ceux qui veulent acheter des jeux PS5 offrant une expérience complète sans être prisonniers d’un calendrier de mises à jour sans fin, c’est une bénédiction.
Enzo, fils de la terre
Le héros, Enzo, n’est pas un gangster né avec un cigare entre les lèvres. Il est d’abord un fils de la terre, un jeune ouvrier qui voit dans la Mafia non pas une vocation mais une échappatoire. Cette origine modeste colore tout le récit. Là où la saga Mafia avait tendance à glorifier la montée dans les cercles mafieux comme un destin presque romanesque, The Old Country rappelle la brutalité des conditions de vie et le poids du déterminisme social. Enzo grimpe les échelons par nécessité, pas par goût. Cette nuance change l’atmosphère: chaque coup, chaque trahison, chaque ascension est lestée d’une gravité sourde. La Sicile des années 1900 n’est pas seulement un décor pittoresque. C’est un espace en mutation, encore féodal par certains aspects, déjà industriel par d’autres. Et ce mélange façonne une histoire où le crime n’est pas une fantaisie stylisée mais une réalité presque organique.
L’élégance du minimalisme
Le design de Mafia: The Old Country fonctionne comme une réponse implicite aux géants de l’open world. Dans un monde où Elden Ring a redéfini l’exploration par l’immensité et le mystère, Hangar 13 choisit le chemin inverse: la rareté, la concentration. Jouer à ce titre, c’est accepter de ne pas être noyé sous les quêtes secondaires, les menus tentaculaires ou les inventaires saturés. C’est croquer dans un fruit unique, juteux, sans perdre le goût dans la masse. Cette philosophie évoque une table dressée avec un seul met, mais préparé à la perfection. Et cela suffit. Le studio comprend que l’intensité émotionnelle naît souvent de la contrainte, pas de l’excès.
Un retour nécessaire
La nostalgie n’est pas ici un gimmick. Revenir au début du siècle dernier, c’est offrir une nouvelle matière au genre mafieux, saturé depuis longtemps de fusillades américaines et de grosses cylindrées. La vieille Sicile, avec ses collines poussiéreuses, ses villages serrés et ses codes d’honneur impitoyables, redonne une fraîcheur inattendue. Le joueur découvre un environnement qui respire la menace latente, où chaque geste de loyauté ou de trahison semble écrit dans la pierre. C’est une variation bienvenue, et une preuve que la franchise peut encore se réinventer sans perdre son âme. Pour les amateurs prêts à acheter Mafia: The Old Country, c’est moins une suite qu’une relecture, presque une renaissance.
L’ombre des géants
Bien sûr, toute production narrative forte se mesure à ses contemporains. On pense à Elden Ring, dont la démesure a marqué une génération de joueurs. L’extension Elden Ring: Shadow of the Erdtree continue de hanter l’imaginaire collectif avec son gigantisme et son opacité. Mais Mafia: The Old Country n’essaie pas de rivaliser sur ce terrain. Au contraire, il se pose en contre-modèle. Là où Elden Ring érige une cathédrale labyrinthique, Hangar 13 sculpte une chapelle de pierre brute. Le joueur n’est pas libre de tout faire, mais il est invité à ressentir chaque geste comme définitif. C’est un pari risqué, mais il donne au jeu une densité dramatique que les mondes tentaculaires finissent parfois par diluer.
Les limites assumées
Tout n’est pas parfait. Les combats au corps-à-corps manquent parfois de précision. Les animations des chevaux, bien que distinctives, peuvent sembler raides lorsqu’on les compare aux standards des productions actuelles. Mais ces défauts ne brisent pas l’illusion, ils la renforcent presque. Ils rappellent que le jeu n’est pas un simulateur totalisant, mais un récit guidé. On pardonne ces accrocs parce qu’ils servent un propos plus vaste. Comme un vieux film italien qui craque par endroits, le charme réside autant dans les imperfections que dans les fulgurances.
Une œuvre précieuse
Mafia: The Old Country est une anomalie dans le paysage contemporain du jeu vidéo. C’est un projet qui refuse la surenchère et assume son identité compacte. Un récit fermé, dense, comme un roman noir qu’on lit d’une traite. Hangar 13 signe un retour aux fondamentaux, mais sans nostalgie aveugle. C’est un titre qui regarde en arrière pour mieux avancer, qui exploite la rugosité du passé pour offrir une expérience rare dans le présent. Là où trop de jeux cherchent à séduire en promettant l’éternité, celui-ci séduit par sa finitude. On en sort non pas épuisé, mais marqué, comme après un repas simple et inoubliable. Pour ceux qui s’interrogent encore, il est clair qu’il vaut la peine de l’ajouter à sa collection aux côtés de titres comme Elden Ring. Différents dans l’approche, complémentaires dans l’ambition, ils témoignent d’une industrie capable de tout, du monumental au minimaliste.
Conclusion
En définitive, Mafia: The Old Country n’essaie pas de plaire à tout le monde. Il ne cherche pas à devenir le prochain phénomène multijoueur ni à s’imposer comme un bac à sable infini. Il choisit la voie étroite, celle du récit contenu et du gameplay ancré dans une époque singulière. C’est un pari qui réussit, car il donne au joueur ce que beaucoup de titres ont oublié d’offrir: une expérience complète, pensée de bout en bout, sans artifices superflus. Ceux qui accepteront de se laisser guider par Enzo à travers les collines siciliennes découvriront un jeu qui ne brille pas par son étendue mais par sa densité. Et dans un monde saturé de promesses interminables, cette densité vaut plus que l’infini.
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